Les brebis sont de retour dans le Mercantour! Vous allez pouvoir en rencontrer lors de vos randonnées avec nous.
Après l’article sur le loup, il est logique de s’intéresser aux brebis et à l’élevage traditionnel, aux brebis comme aux bergers. Voici quelques éléments pour mieux comprendre cette économie avec la conclusion de notre âne Gédéon…
La transhumance dans le Mercantour et les Alpes
Cette pratique est vieille comme le nomadisme et remonte à plus de 4000 ans, c’est la migration du bétail vers les hautes terres pour engraisser les bêtes. A la différence du nomadisme pastoral où les « parcours « sont irréguliers, de nos jours, les estives sont bien établies, et les terres louées aux propriétaires de troupeaux. Quand on marche en montagne en tant que randonneur, on croit que les alpages sont libres mais bien au contraire, ils sont souvent des enjeux pour les propriétaires terriens qui louent à bon prix. A titre d’exemple, Villeplane; notre hameau est appuyé à une montagne le St Honorat qui domine fièrement la vallée de ses pentes herbagées. Eh bien le St Honorat est privé et appartient en grande partie à des particuliers qui louent pour le pâturages des brebis. Une montagne privée, c’est un peu « class » à notre époque.Les conflits entre transhumants et sédentaires existent. Il faut gérer une organisation sociale qui permet les accords avec les propriétaires ou les communes pour le passage des troupeaux allant dans les alpages de destination et empêcher le surpâturage.
Le pastoralisme: un peu d’histoire:
Pline l’Ancien l’atteste dans ses écrits, les « moutons par milliers » convergent depuis les régions lointaines pour brouter ». Dans la plaine de la Crau, on a retrouvé les fondations de bergeries datant de l’époque romaine et de l’âge de fer. Durant de longs hivers, dès le moyen-âge, les populations ont réfléchi à descendre les troupeaux vers les plaines et inversement l’été, les éleveurs ont recherché la petite herbe tendre de montagne. Des contrats passés entre éleveurs de montagne et de Provence ont été retrouvés dès le 14 eme siècle.
Quand la fin du printemps arrive et qu’on descend faire des courses, il n’est pas rare de voir des crottes de brebis sur la route des gorges ou de croiser des grands camions transportant les brebis. Il y a ceux qui choisissent d’arriver à pied mais ils sont de plus en plus rares. Généralement, le transporteur les laisse à l’entrée des gorges rouges de Daluis et ils débarquent les brebis qui vont monter en alpage et vont suivre des parcours bien établis. Ils chaument lorsqu’il fait chaud et reprennent la route vers le soir.
La pratique de la transhumance dans les Alpes méditerranéennes vient être inscrite en décembre 2019 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Si les montagnards y habitent à l’année, la montagne des Alpes ne leur appartient pas complètement. Les habitants des plaines s’y intéressent, et tout particulièrement les éleveurs. En effet, entre 1400 et 2800 m d’altitude, l’espace alpin est par nature un immense espace d’herbe, et c’est d’ailleurs le patrimoine fondateur de l’Alpe; « sans herbe pas d’ herbivore. Sans herbivore pas d’homme en montagne. » Et, c’est cette herbe à qui attire de nombreux troupeaux venus de Provence et qui transhument des jours, parfois des semaines durant, vers leur alpage, dont les montagnes de la vallée du Haut-Var et du Haut Cians font partie.
C’est ainsi que depuis l’Antiquité, les troupeaux empruntaient les «drailles», anciennes voies pavées qui reliaient les plaines provençales aux alpages. Lorsque les routes n’étaient pas goudronnées, les villages traversés percevaient un droit de pulvérage en compensation de la nuisance dûe au piétinement de ces milliers de bêtes qui provoquaient de la poussière. Le passage de ces transhumants était une source appréciable de revenu pour Guillaumes.
Chaque année, aux environs de la St.Jean, la montagne se mettait en marche. Les ânes, aux «banastes» pleines de provisions faisaient partie du voyage. Les bergeries étaient rares sur le chemin des sommets où l’homme, enroulé dans sa cape, et entouré de ses chiens et de ses moutons, dormait généralement à la belle étoile, sans même l’abri d’un arbre. Cette population nomade passait l’été dans les pâturages, d’une façon souvent très rudimentaire, pour ne reprendre le chemin du retour que vers la fin du mois d’Octobre.
Aujourd’hui, les troupeaux viennent toujours profiter de la très bonne herbe des alpages du Mercantour, mais la transhumance se fait en grande partie par transport du bétail en camions. Seuls quelques troupeaux des environs transhument sur des courtes distances.
Pastoralisme dans le Mercantour:
Le massif du Mercantour est situé à l’extrémité sud du premier «massif ovin de la zone de montagne française» (avec 160000 têtes sur les 640000 têtes occupant durant l’estive 1963 l’ensemble des unités pastorales des Alpes du Sud) [au sens de l’enquête pastorale dans les Alpes françaises n°39 CERAFER Division INERM] et demeure le domaine privilégié de l’activité pastorale qui se pratique de manière extensive sur les pâturages d’altitude.
Cet usage, qui remonte sans doute à l’antiquité, se perpétue aujourd’hui majoritairement par l’inalpage de grands troupeaux, souvent liée à la transhumance estivale.
Les moutons de Provence viennent occuper la partie ouest du Parc national du Mercantour alors que les vaches laitières piémontaises s’installent sur la partie est. Ces migrations se font de juin à fin septembre. Les troupeaux locaux sont de taille modeste et recourent encore à la transhumance inverse, vers des terrains de moins en moins disponibles sur le littoral, en hiver. Soixante-trois pâturages sont utilisés en système extensif par des troupeaux ovins (85000 moutons en estive sur la zone centrale du parc- enquête Parc 1999-2000), à objectif de production de viande.
La production laitière est encore présente dans le massif surtout dans la partie orientale du site (vallées de la Vésubie, de la Bévéra et de la Roya). On y compte 7 troupeaux de vaches laitières (670 têtes de bétail) dont 3 proviennent d’Italie, et 2 troupeaux de brebis laitières de la race brigasque (race locale en voie de disparition).
Dans leur ensemble, les éleveurs d’ovins à viande orientent leur exploitation vers la production d’agneaux de 6 à 8 mois (Tardons) à la descente d’estive. Quelques rares éleveurs pratiquent également un agnelage d’automne. Certains agneaux sont vendus en agneaux légers (20kg), à l’exportation où localement.Les éleveurs laitiers (ovins, bovins, caprins) en activité ou désirant se développer, rencontrent aujourd’hui des difficultés accrues compte tenu des quotas laitiers (bovins) ou des nécessités de mise aux normes sanitaires de leurs laiteries, notamment les laiteries d’alpage.
Ils retirent, en revanche, une forte valeur ajoutée de la vente du produit.
Les bergers dans le Mercantour
lls menaient jadis une existence à demi sauvage . Quels que soient le temps et l’heure, la vie du berger est toute entière absorbée par les soins qu’il prodigue à son troupeau. En plus de la surveillance continuelle, il part à la recherche des bêtes égarées. Son rôle est savant souvent, il remplace le vétérinaire, il aide à agneler, il panse les blessures, la gestion du pâturage est importante.
Jusqu’à la fin du XlXe siècle, il avait aussi un rôle important: combattre les loups qui décimaient les troupeaux.
Sur les hauts plateaux balayés par les bourrasques, le chien est son seul compagnon, il garde les moutons et meuble sa solitude. Le berger est attentif et osbervateur de la nature, ainsi, il a pu percer mille secrets. Une science empirique lui a donné son savoir faire, mais souvent, il associe une protection magique quand le danger se fait sentir. Dans les villages, le berger inspirait la méfiance et on le disait un peu sorcier.
C’est un métier devenu difficile. Il ne faut pas tomber dans le cliché et voir en lui le rustique folklorique que les médias ont brossé à travers les reportages à propos de l’arrivée du loup dans le Mercantour.
Nos bergers sont les derniers détenteurs d’un savoir ancestral dont nous sommes issus. Leur bon-sens, leurs connaissances transmises par le savoir oral sont de plus en plus précieux dans notre monde privé de racines et de repères. Il sont une exception culturelle dont ici nous sommes fiers.
Qu’en pense Gédéon, notre âne philosophe?
je dois dire que je ne vois pas d’un très bon oeil quand les brebis arrivent car elles mangent notre herbe. Ce sont des vraies tondeuses de pelouses. Ecoutez un peu quand elles broutent. C’est un bruit de fond d’engloutissement . Ce sont des estomacs sur pattes, pas comme nous, les ânes qui prenons entre nos babines un brin d’herbe en réfléchissant au goût de la carotte sauvage, en mâchonnant philosophiquement , en herborisant. Les brebis ont une cadence infernale, on les lâche dans les alpages et elles ne lèvent plus la tête de la journée, pas le temps d’admirer le paysage.
Parfois l’humain a dans l’idée de proposer à son âne solitaire une brebis comme compagne. Quelle mauvaise idée! Une cervelle de mouton!
Maintenant les patous font bien leur boulot, trop de zèle même car ils en ont parfois aux mollets des randonneurs. Moi, j’ai le pied leste et ils ne s’approchent pas. Il y a aussi les écovolontaires :qui proposent de camper à côté du troupeau. On les appelle les « pastoraloups. Si vous voulez animer vos soirées avec les bergers de rencontre, c’est un bon sujet….
Sinon, j’espère que vous connaissez le « génie des alpages » de F’murr. C’est l’histoire d’un troupeau autogéré et complètement loufoque. J’aurais aimé que F’murr vienne s’inspirer de notre troupeau d’ânes. Je suis sûr qu’il y aurait trouvé matière à un album décalé. Nous aussi, on a notre Athanase!