Comme dans tout film qui se respecte, nous pourrions écrire: « ce récit est inspiré d’une histoire vraie ». Je m’appelle Gédéon et si vous avez un peu suivi ce blog vous savez que je suis un âne inspiré, chargé d’alimenter le blog et de raconter les « ânecdotes » qui arrivent à mes confrères lors de vacances familiales dans le Mercantour. Et voici donc l’histoire que Lulu vient de me conter. Lulu est un âne blanc dont la couleur étonne et détonne avec nos collègues gris tourterelle, gris souris; gris perle, gris argent, gris taupe etc.
Voici Lupin, dit Lulu, l’âne à la robe gris blanc
Le saviez-vous, nous les ânes, des cartes d’identité et même que nous sommes pucés! Bientôt, votre tour viendra à vous humains. Quand les ânes ont des puces, les humains se grattent. C’est un proverbe que je viens d’inventer. Donc sur nos cartes d’identification, on peut voir y voir un exemple frappant de la bureaucratie que Georges Orwell a si bien décrite dans « le Meilleur des Mondes . Donc voici Lupin, dit Lulu, âne d’origine non constatée sexe hongre, robe gris blanc pie, bande cruciale, ladre de la tête entre et dans les naseaux. Nez de biche, auge de la couleur de la robe, épis en tête : plusieurs sur le chanfrein.
Lulu n’est pas non plus un âne blanc d’Egypte qui se rencontrait dès l’Antiquité dans tout le Proche-Orient. Il y a même un grand écrivain Joseph Kessel qui a écrit un livre « le petit âne blanc » pour les enfants. Bachir, gosse de Tanger, petit conteur de rues, a deux bosses et une voix en or. Il aime transformer en conte oriental les histoires de ce qu’il a vécu. Son fil conducteur est le petit âne blanc qui va être condamné plusieurs fois. Bachar essaiera de le sauver. Va-t-il y arriver?
Vous avez également le CD d’Henri Des pour les enfants.
Une belle randonnée pour notre famille alsacienne
Mais notre Lulu national n’est pas confronté aux problèmes du petit âne blanc de Bachir. Lui, ne rencontre que des humains lumineux et gentils avec lui. Preuve en est dernièrement avec une joyeuse famille de l’Est de la France. Ils avaient connu Lulu tout jeune. C’était même la première fois que Lulu travaillait.
Sachez -le : Travailler est un grand mot pour nos ânes car n’oubliez- pas que leur travail consiste à se faire bichonner par des enfants câlins qui brossent, frottent, étrillent « leur âne » qui va porter des bagages fort peu lourds. Ils broutent le long des chemins, au pas des enfants, finissent de délicieux pique-nique. Bref, moyennant le portage de 40 kg , ils passent une vraie semaine de vacances eux-aussi. Et donc Lulu s’est discipliné et pour son premier boulot, avait manifesté une bonne grâce exceptionnelle, avait passé les 3 ponts de l’itinéraire, n’avait pas eu trop peur du passage de caniveaux, alors que c’était bien la première fois qu’il en voyait. Il avait vu une cascade, avait dressé les oreilles en croisant deux marmottes qui se chamaillaient.
Cette première semaine inoubliable pour lui, pensez-donc, quitter son lieu de vie où il avait passé 4 ans tranquille sans soupçonner qu’un autre monde était possible, voir une route, des motards, des klaxons, des vélos, des gens, et surtout suivre gentiment une petite famille très occupée à surveiller ses moindres désirs. Car c’était vraiment une famille adorable, débrouillarde, attentive, qui s’était émerveillé de la beauté des paysages, du rapport avec l’âne, du contact avec la nature.
Bref, une famille enchantée qui du coup, au retour, s’était jurée de revenir et de reprendre l’ami Lulu
qui bien sûr était devenu le cocasse ami des enfants. La famille alsacienne est revenue une fois encore avec les enfants devenus ados. Et aussi incroyable que ce soit, même les ados ont aimé encore la randonnée avec Lulu, entre temps devenu part entière de la famille qui hélas n’avait qu’un balcon à proposer à Lulu pour le ramener chez eux. Il n’est jamais vraiment gagné de repasser des vacances en faisant la même chose. On peut être déçu et ne pas prendre le même plaisir à découvrir des montagnes du Mercantour déjà parcourues.
Eh bien non, Lulu avait laissé un souvenir impérissable aux enfants; ceux-ci, devenus ados, ont su garder le regard émerveillé de l’enfance qui sait voir la beauté des choses sans se poser des questions existentielles, en restant ouvert à la simplicité, en continuant à s’étonner, à s’enthousiasmer, à s’extasier. Les humains perdent parfois cette capacité à se laisser enchanter. L’art de passer de bonnes vacances, c’est avant tout la capacité de s’adapter et non vouloir adapter sa vision à l’existant.
Une expérience inoubliable en famille
Nos ados avaient donc cette disposition et avaient une fois de plus savouré leurs vacances avec Lulu.
Et voici que ce printemps, un des ados devenu adulte et papa de deux charmants enfants de 6 et 8 ans a voulu faire revivre à sa petite famille ce qu’il appelait « les meilleures vacances « de sa vie. Il a demandé expressément l’ami Lulu, l’âne blanc de son enfance , de son adolescence et maintenant celui qui, il l’espérait, deviendrait celui de ses enfants. Lulu est plus vieux, il va sans dire; Il a maintenant 18 ans. Un âne vit jusqu’à 30/40 ans mais ne travaille que jusqu’à 25 ans environ. Il a parcouru l’itinéraire « miroirs d’azur « 5/6 fois par été, a connu bien des familles, des rigolotes, des guindées, des bien élevées, des mal élevées. Mais il n’a jamais fait de commentaires, secret professionnel exige. Par contre, il vient de me dire que cette famille alsacienne est dans son coeur d’âne, il se sent maintenant vraiment membre de la famille à la 3 eme génération .
Vous me demandez si les enfants ont éprouvé le même ravissement que leur papa? Eh bien oui, il sont revenus heureux comme des princes, racontant leurs aventures, les chamois, les marmottes, les torrents, la rencontre avec les vaches en liberté ,que Lulu ne faisait par le fier, les rencontres avec le berger gentil, une autre avec le berger renfrogné entouré de patous hargneux mais que Lulu avait fait fuir vaillamment. Enfin tout ça, ce sont des suppositions.
Histoire d’ânes
Voilà, moi Gédéon, je continue à raconter les histoires de mes collègues. Je me suis mis à la retraite. D’ailleurs, l’autre jour, l’équipe d’Itinérance a cru me faire plaisir en me confiant à un adorable couple d’un certain âge qui voulaient marcher avec un âne de caractère et étaient venus pour le contact avec l’âne.Mais voilà, il faisait chaud, l’herbe était molle, le laser avait fané, les carottes sauvages n’avaient pas de goût. J’ai fait comme si j’avais une attaque, j’ai bavé de l’herbe verte en prenant un air de grabataire. Evidemment ça a marché et on est venu me rechercher en van. Par contre, dès que mes nouveaux amis, désolés, ont continué sans moi à randonner dans la chaleur, « on » ( je ne veux dénoncer personne….) m’a filé un bon coup de pied au derrière car « on » me connait. Ma dignité en a pris un coup évidemment mais j’ai filé et j’ai remonté la pente à cent à l’heure, histoire de leur montrer que j’avais encore de beaux restes quand je voulais. Malin comme un âne… Qui a envie de marcher par 30 °? Il faut être un humain qui ne peut avoir de vacances qu’en été…