Nos conseils sur les besoins alimentaires de l’âne lors de la randonnée
En randonnée, il est parfois surprenant de voir son âne brouter sans arrêt … si on le laisse faire.
L’âne est un herbivore, et comme le dit Jules Renard, » c’est un lapin devenu grand ».
Il broute entre 12 et 16 heures par jour, cela occupe ses journées. On aimerait sans doute en faire autant. Imaginons-nous mangeant du bout des lèvres chocolat, bonbons, petits gâteaux, herborisant ‘ tiens du saucisson, non je prends plutôt ce matin un bout de roquefort ».C’est peut-être ça le paradis.
En tous cas, si on assure à l’âne un beau pré, il s’installe, se roule, grogne un peu et se met au travail : 12-16 heures
Mais laissons-lui la parole:
« J’herborise, je choisis du bout de mes délicates babines un chardon que je croque en fermant les yeux tellement c’est bon. J’adore aussi les plantes fibreuses c’est mon chewing-gum. J’en bave parfois tellement je mastique avec application la tige d’une ronce bien épineuse qui chatouille mon arrière gorge et me permet de renâcler.
Je raffole des orties, j’attends qu’elles sèchent un peu et je les prends au niveau des racines.
Contrairement à ce que vous pourriez penser, je n’aime pas l’herbe tendre et humide; C’est bon pour les vaches. Moi, il me faut du vrai, du rustique, des ronces et des branches.
Le laser est ma grande carotte sauvage à l’odeur de fenouil, les graminés sont l’ancêtre du blé, la fétuque et les feuilles de frêne qui me vermifugent. Les petites boules de gui, soit disant poison, je sais bien, mais à dose homéopathique, le jus est délicieusement sucré. »
A la montagne, l’âne herborise
La ferme de Villeplane avec l’agence de randonnée Itinerance-trekking élève des ânes depuis 30 ans. Au début, ils faisaient des parcs sur du terrain plat ou tout du moins assez facile. Et puis, d’années en années, ils ont pris confiance, ont attaqué la pente. Ils ont vu de quoi on était capable…quand on voulait bien se donner la peine de chercher la petite herbe fine cachée derrière le gros rocher. dans le ravin. Nous adorons fureter, chercher, gratter. Ce serait ennuyeux autrement si tout était gagné d’avance.
D’ailleurs tous les jours, un de mes vieux congénères suivi de quelques jeunes fait le tour du parc pour s’assurer qu’il n’y a pas de faille. SI par bonheur, un cerf est passé et a tout défoncé, poursuivi par des chasseurs, l’alerte est donnée, on s’échappe. Car herbe est toujours plus verte ailleurs. Nous sommes comme les hommes, ils ne peuvent pas nous le reprocher tout de même. Ils ont traversé l’Atlantique pour voir le bout du monde sur une barque sans savoir où ils allaient. Nous , on est plus frileux quand même. On s’échappe mais pas loin pour voir comment s’est ailleurs. Et puis de toutes façons, ils reviennent nous chercher et alors on rentre, le nez en avant, l’air content de nous, on leur a fait une farce quoi
Notre péché mignon est la gourmandise comme l’homme après tout. Mais nous on vient du désert, où la végétation est rare, sèche et rase alors notre corps a appris à stocker en cas de disette. Hélas, du coup, on a tendance à devenir obèse car on mange trop…comme l’homme moderne!
Le foin
flore du Mercantour: les ânes adorent
ll faut dire qu’on est resté 4 mois au foin en hiver. Certes, on est gâtés, c’est du foin premier choix de la montagne, séché de façon traditionnelle, emballé avec soin et mis en rouleau. Il est mis sous des bâches respirantes et garde toutes ses qualités. On en raffole!Le foin de nos montagnes calcaires est exactement ce qui nous convient. Les vaches aiment la luzerne qui n’est pas bonne pour nous, trop riche!
De plus l’hiver on ne fait rien à part trier les brins de foin dans le râtelier , aller voir dehors si la neige a fondu, se disputailler avec les copains, montrer ses dents et jouer les cakes auprès des femelles.
Notre ration journalière de foin est entre 5 et 10 kg selon qu’on travaille ou pas, notre poids etc. Et il vaut mieux une bonne paille qu’un mauvais foin qui doit être vert, avoir une bonne odeur, sentir la fenaison et l’odeur de l’été ,en hiver c’est comme pour vous l’odeur du feu de bois pendant la canicule.
Nous, les ânes dans la nature
Nous ne nous mettons pas en danger, il y a certaines plantes toxiques qui déclenchent des risques mortels mais nous sommes assez malins pour les éviter, que croyez-vous, nos mères nous ont bien élevés et notre instinct est encore bien présent. Mais pour les ânes qui restent en stabulation, je vais en faire une liste exhaustive :
- le thuya : ses feuilles provoquent des gastro-entériques et parfois des convulsions
- le buis avec ses alcaloïdes
- le vératre, parfois mélangé au foin. La dose mortelle est 1 kilo de feuilles sèches. Il faut avoir envie de se suicider dans des convulsions incontrôlables mais le suicide n’est pas l’apanage des ânes et nous ne sommes pas des dégénérés. C’est comme les poules, on dit maintenant qu’il ne faut pas leur donner de pépins. Mais faites confiance aux animaux, ils perdent moins le bon sens que vous les humains.
- le laurier-cerise provoque des troubles respiratoires
- le millepertuis fait gonfler les paupières
- le séneçon donne la cirrhose, c’est parait-il figurant
- la datura fait faire un beau voyage astral mais on n’en abusera pas
- et plein d’autres plantes toxiques : l’if, le genêt, le bouton d’or frais, le sorgho, les fougères, certaines vesces , que nous boudons ostensiblement, rassurez-vous, nous sommes des animaux en liberté sur des centaines d’hectares! Les moisissures sur les céréales comme l’ergot de seigle sont de véritables poisons, le foin plein de poussière provoque des difficultés respiratoires. Mais nous sommes bien traités ici à Villeplane, il n’y a pas de manquement jusqu’à présent.
Une alimentation équilibrée
Un jour, avant la saison de randonnée, nos amis humains ont cru bon de nous donner des rations de céréales. Ca a été le début de disputes terribles dans le troupeau ,de bouderies , de tapage de pied. Chacun voulait une part plus grosse que l’autre, exigeait une ration supplémentaire, en redemandait . Ils ont fait germer de l’orge pour donner des forces et du muscle car la saison s’annonçait difficile. Ils ont eu raison de renoncer à la distribution car c’était une source de conflit. Il y en a même qui refusaient de travailler tant qu’ils n’avaient pas leur ration. Maintenant, on n’y a droit que pour monter dans le van, en récompense.
Les gourmandises pour un âne
Je tiens à ce dernier chapitre car les randonneurs adorent nous donner des petits extras. Je leur en fais la liste pour qu’ils gardent en mémoire que nous sommes attentifs au service rendu.
- le reste de pique-nique est bienvenu surtout les carottes et betteraves râpées que laissent les enfants. Par contre, la sauce à l’huile d’olive n’est pas vraiment du meilleur goût.
- on aime bien être attachés autour d’un pommier et manger les pommes tombées mais nos amis le déconseillent car on ne sait pas s’arrêter de les manger et on attrape des diarrhées terribles.
- du pain sec mais pas trop car il est cause de fourbures.
- pas de chocolat ni de sucre, ne nous tentez-pas avec ces poisons!
Ce que nous préférons avant tout : qu’on nous brosse!
Quelques sites à consulter sur les ânes:
Un journal intéressant: https://www.lescahiersdelane.com/articles/124
le site de référence hélas en anglais du donkey sanctuary: